L’Afrique connaît une transformation progressive de son secteur agricole, avec des pays qui cherchent à renforcer leur autonomie alimentaire. Parmi les initiatives les plus prometteuses, le rapprochement entre le Sénégal et l’Ouganda dans le domaine de la production laitière suscite un vif intérêt. Le Sénégal, confronté à une forte dépendance aux importations, a décidé de s’inspirer du modèle ougandais, reconnu pour son dynamisme et son efficacité. Cet article explore les raisons de ce succès ougandais et comment le Sénégal compte tirer profit de cette collaboration stratégique.
Le Modèle Ougandais : Une Réussite Laitière Africaine
L’Ouganda a connu une ascension fulgurante dans le secteur laitier, devenant un exportateur net avec une production atteignant 3,85 millions de tonnes en 2023. Cette performance remarquable n’est pas le fruit du hasard, mais d’une stratégie bien définie et d’une mise en œuvre efficace. Plusieurs facteurs clés expliquent ce succès :
- Investissements dans les infrastructures : L’Ouganda a massivement investi dans l’amélioration des infrastructures laitières, allant des fermes aux centres de collecte et de transformation. Ces investissements ont permis d’optimiser la production, de réduire les pertes post-récolte et d’améliorer la qualité des produits laitiers.
- Soutien aux petits producteurs : Le gouvernement ougandais a mis en place des programmes de soutien ciblés pour les petits éleveurs, leur fournissant un accès à des formations, des crédits et des intrants agricoles de qualité. Cette approche inclusive a permis de mobiliser une part importante de la population rurale dans la production laitière.
- Développement de coopératives : La promotion des systèmes coopératifs a joué un rôle crucial dans le succès ougandais. Les coopératives permettent aux éleveurs de mutualiser leurs ressources, d’améliorer leur pouvoir de négociation et de bénéficier d’économies d’échelle.
- Adoption de technologies modernes : L’Ouganda a progressivement adopté des technologies modernes dans l’élevage laitier, allant de la génétique bovine améliorée aux systèmes de traite automatisés. Ces innovations ont contribué à augmenter la productivité et l’efficacité des élevages.
- Politiques publiques favorables : Le gouvernement ougandais a mis en place des politiques publiques favorables au secteur laitier, notamment des subventions, des exonérations fiscales et une réglementation adaptée. Cette approche a créé un environnement propice à l’investissement et à la croissance du secteur.
Le Sénégal : Un Besoins Urgent de Révolution Laitière
Le Sénégal, quant à lui, fait face à une situation contrastée. Malgré un potentiel agricole certain, le pays dépend fortement des importations pour satisfaire sa demande en produits laitiers. En effet, environ 50 % des besoins laitiers sont couverts par les importations, ce qui représente une facture de plus de 53 milliards de francs CFA (environ 83,5 millions USD) pour les dix premiers mois de 2024. Cette dépendance engendre une vulnérabilité économique et une perte de devises importantes.
Face à cette situation, le gouvernement sénégalais a pris la décision stratégique de renforcer sa filière laitière nationale. C’est dans ce contexte qu’une mission d’échange a été organisée avec l’Ouganda, dans l’objectif de s’inspirer de son modèle de réussite.
Le Sénégal S’inspire de l’Ouganda : Une Coopération Prometteuse
Suite à cette mission, le ministre de l’Agriculture sénégalais, Mabouba Diagne, a annoncé une série d’actions clés pour dynamiser la production laitière du pays, en s’inspirant des leçons tirées de l’expérience ougandaise. Les axes stratégiques de cette collaboration incluent :
- Développement des infrastructures : À l’image de l’Ouganda, le Sénégal prévoit d’investir dans l’amélioration des infrastructures laitières, notamment les fermes, les centres de collecte et les unités de transformation. L’objectif est d’augmenter la capacité de production et de garantir une meilleure qualité des produits.
- Valorisation des systèmes coopératifs : Le gouvernement sénégalais encourage également la mise en place de systèmes coopératifs entre éleveurs. Ces coopératives permettraient aux petits producteurs de mieux s’organiser, de mutualiser leurs ressources et de bénéficier d’un meilleur accès au marché.
- Intégration des innovations technologiques : L’adoption de technologies modernes est une autre priorité du Sénégal. Cela passe par l’amélioration de la génétique bovine, l’utilisation d’équipements de traite modernes et la mise en place de systèmes de gestion efficaces des élevages.
- Soutien ciblé aux éleveurs : Le Sénégal s’engage à fournir un accompagnement personnalisé aux éleveurs, en leur offrant des formations, des crédits à taux préférentiel et un accès à des intrants de qualité. Ce soutien vise à garantir une production durable et compétitive.
Exemple de Coopération : Une Source d’Inspiration pour le Sénégal
Un exemple concret de la manière dont le Sénégal peut tirer profit de l’expérience ougandaise est la stratégie de structuration des filières. L’Ouganda a réussi à mettre en place des chaines de valeur performantes, où les petits producteurs sont intégrés dans un système plus large.
Par exemple, l’entreprise Fresh Dairy, une grande marque laitière en Ouganda, travaille en étroite collaboration avec les coopératives d’éleveurs pour la collecte du lait. Fresh Dairy fournit également des formations, un soutien technique et un accès à des intrants de qualité, en échange de l’assurance d’un approvisionnement régulier en lait de qualité. Cette approche a permis de construire une relation de confiance et de bénéfice mutuel entre l’industriel et les petits producteurs.
Le Sénégal pourrait s’inspirer de ce modèle en incitant les grandes entreprises laitières sénégalaises à s’investir davantage dans les coopératives d’éleveurs, en créant des partenariats qui vont au-delà de la simple collecte du lait. La transmission du savoir-faire, l’appui technique et la garantie de débouchés sont des éléments clés pour structurer la filière et dynamiser la production laitière locale. Le gouvernement sénégalais devra mettre en place un cadre réglementaire incitatif pour favoriser ces collaborations.
Un Avenir Prometteur pour le Secteur Laitier Sénégalais
L’initiative du Sénégal de s’inspirer du modèle ougandais pour dynamiser sa production laitière représente une démarche stratégique prometteuse. En se concentrant sur le développement des infrastructures, la valorisation des systèmes coopératifs, l’adoption d’innovations technologiques et un soutien ciblé aux éleveurs, le Sénégal se donne les moyens de réduire sa dépendance aux importations et de renforcer sa filière laitière nationale.
Cette collaboration sud-sud est un exemple inspirant de la manière dont les pays africains peuvent apprendre les uns des autres et mettre en place des solutions adaptées à leurs propres contextes. L’avenir du secteur laitier sénégalais s’annonce prometteur, avec la possibilité de créer des emplois, de générer des revenus pour les éleveurs et de contribuer à l’autosuffisance alimentaire du pays. Le succès de cette initiative dépendra de l’engagement continu des acteurs publics et privés, ainsi que de la capacité du Sénégal à adapter les solutions ougandaises aux réalités locales.
Claire LIBAM