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- Date de création 19 septembre 2024
- Dernière mise à jour 19 septembre 2024
LE FINANCEMENT DIRECT DES MÉNAGES AGRICOLES AU BURUNDI UNE UTOPIE OU UN MUST?
Le slogan du président de la République est bien connu de tous les
Burundais: «Que chaque bouche ait à manger et chaque poche de l’argent.»
Ce discours que nous entendons dans tous les meetings, à la radio ou à la
télé, est fortement mobilisateur et invite tous les citoyens de s’investir afin
que la production agricole s’améliore. Celle-ci est désormais considérée
comme le marchepied qui permettra au Burundi de rejoindre le groupe
des «pays émergents» en 2040, et celui des «développés» en 2060.
Le gouvernement burundais et le parti au pouvoir ont bien intériorisé
ce leitmotiv et rivalisent de discours et d’initiatives, les uns plus structu-
rants que d’autres, pour arriver à cette fin. Ils ont pris de nombreuses ini-
tiatives pour accélérer le développement agricole du pays. On citera sans
prioriser: l’adoption du DOPEAE8
puis du COMPACT2
après la confé-
rence des chefs d’État de Dakar sur l’agriculture (janvier 2023); le finance-
ment du PAEEJ3
, qui porte essentiellement sur des projets agricoles pour
les jeunes; le FIGA4 ; les coopératives collinaires Sangwe5
, qui viennent
se greffer sur des dispositifs mieux rodés comme la BNDE6 ; le Fonds de
microcrédit rural ; le projet PAIFAR7
du FIDA8
, etc.
Coté partenaires techniques et financiers (PTF), même si l’on entend ici
et là quelques sons discordants et surtout la volonté d’être mieux associés à
la prise de décision, les engagements dans le secteur agricole sont considé-
rables. Alors que les PTF contribuaient à hauteur de 43% au budget du sec-
teur agricole pour l’année fiscale 2022-2023 (93,143 milliards sur 226,666
milliards), leur apport se chiffre à 36% du budget 2023-2024 (182,335 sur
506,515 milliards). Ces chiffres doivent néanmoins être nuancés, la contri-
bution des PTF étant réalisée en devises fortes qui viennent d’être dévaluées
de près de 30%. Difficile dès lors d’affirmer que leur contribution a aug-
menté ou baissé. Par contre, le Burundi a consenti des efforts considérables
1. Document d’orientation de la politique environnementale, agricole et d’élevage.
L
2. Terme utilisé par la Banque africaine de développement (BAD) pour désigner un paquet d’actions
cohérentes.
3. Programme d’appui à l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes.
4. Fonds d’impulsion et de garantie et d’accompagnement.
5. Sangwe signifie «bienvenue » en kirundi.
6. Banque nationale pour le développement économique.
7. Projet d’appui à l’inclusion financière agricole et rurale.
8. Fonds international pour le développement agricole.
DOPEAE1
Le constat est implacable: l’agriculture familiale a beau être cruciale puisqu’elle
nourrit, pour l’essentiel, l’humanité, elle n’est que rarement rentable – du moins
sur un plan financier. Les conséquences sont immédiates : désertion des cam-
pagnes et concentration des fermes entre les mains de quelques-uns.
C’est pour contrecarrer cette évolution que les pays développés et émergents
ont décidé d’apporter des subventions multiformes à leurs paysans, d’accorder
un soutien direct aux ménages. C’est ce mécanisme qui a déclenché le déve-
loppement exponentiel de leur agriculture et permis d’engranger des excédents
substantiels qui inondent nos marchés.
L’Afrique, et le Burundi en particulier, peuventils se permettre de faire l’écono-
mie de ce débat ? Estil possible d’éradiquer la faim, de s’extirper de la misère
sans aide directe aux ménages agricoles? Telle est la question existentielle que
pose l’Association pour la dignité paysanne (ADIP), dans cette étude très fouil-
lée qui propose toute une série de réponses.
En examinant des programmes de soutien à l’agriculture africaine, par les pou-
voirs publics et leurs partenaires, on retombe souvent sur les mêmes réticen-
ces, les mêmes prétextes à l’inaction : nos pays ne disposent pas de budgets
nécessaires, les paysans vont détourner ces fonds vers d’autres priorités, il est
impossible d’avoir des références pour mettre en place un subventionnement
équitable tant qu’on ne dispose pas de chiffres précis sur les productions, les
superficies, etc.
Ce sont ces limites, ces obstacles que cette étude cherche à briser ; elle se
base sur l’expérience des programmes qui ont « osé » – transferts monétaires
non conditionnels, coopératives Sangwe, petite expérience d’ADIP. Dans un
deuxième temps, elle propose des mécanismes qu’il suffirait de perfectionner,
dans un esprit de concertation. Cessons de pratiquer la politique de l’autruche,
ne laissons plus la production alimentaire entre les mains de pays qui ont bien
compris l’enjeu. Il y va de notre survie, il y va de notre souveraineté !
D’après ces analyses, des subventions de 100.000 francs burundais par an et
par ménage, sur base régulière, pourraient révolutionner notre agriculture, et
vaincre la pauvreté. On pourra se satisfaire d’un budget de 200 milliards de francs
ce qui ne représente, somme toute, que 6 % du budget national et 1 % du PIB.
La conclusion qui s’impose est qu’une aide directe aux paysans, loin d’être une
utopie, est la condition sine qua non pour sortir de l’impasse du maldévelop-
pement. Puissent les décideurs entendre notre cri, en faveur des petits produc-
teurs. Mais aussi dans la perspective d’un « vrai » développement du Burundi.
avec le soutien
de la commune
d’Uccle
LE FINANCEMENT DIRECT
DES MÉNAGES AGRICOLES AU BURUNDI
UNE UTOPIE OU UN MUST?
PLAIDOYER POUR LA SUBVENTION DIRECTE
DES PAYSANS
ADIP
Secrétariat général
Septembre 2023
avec le soutien de
4 PLAIDOYER POUR LA SUBVENTION DIRECTE DES PAYSANS
pour soutenir le secteur et figure désormais parmi les rares pays africains
qui ont franchi la barre des 10% du budget intérieur consacré à l’agricul-
ture, comme d’ailleurs recommandée par l’Union africaine et le NEPAD9
à Malabo en 2013.
Les différents bailleurs de fonds rivalisent d’arguments pour nous con-
vaincre que leur stratégie pour sortir le pays de la pauvreté est la meilleure
alors que leurs propres chiffres prouvent le contraire ; le paysan burundais
ne cesse, en effet, de s’appauvrir toujours plus. Les boucs émissaires vite
trouvés sont nombreux: surnatalité, changement climatique, gouvernance,
politiques agricoles, etc., un contexte bien connu dans lequel devraient
s’inscrire ces programmes.
L’Association pour la dignité paysanne (ADIP), dans le cadre du projet
RAFIDESTIM (Recherche des alternatives de financement innovant et
de développement des exploitations agricoles par la stimulation mutuelle),
s’est lancé depuis trois ans dans la recherche-action sur des systèmes de
financement « dignifiants», c’est-à-dire fondés sur l’effort et non la gra-
tuité, pérennes, basés sur les valeurs culturelles et alimentaires nationales
et qui permettent d’assurer la continuité alimentaire, celle des revenus et
de la fertilité, et garantissent une alimentation saine et équilibrée.
Même si cette recherche se poursuit, le financement direct des ménages
apparaît déjà comme l’ingrédient majeur qui a déterminé les performances
enregistrées.
C’est cette hypothèse qui nous a poussés à approfondir les questions
liées aux systèmes de financement des ménages agricoles. Nous avons ainsi
conduit de nombreuses recherches et études sur la question et notamment:
• Une étude sur les systèmes de financement actuellement mis en œuvre
au Burundi dans les projets de la coopération multilatérale, bilatérale,
des ONG internationales et locales. Il s’agissait de réaliser un SWOT10
en rapport avec les modes de financement et en dégager les meil-
leures pratiques pour soutenir les ménages.
• Des études pour mettre en évidence la nécessité du financement
direct des ménages au vu de la faible rentabilité de l’agriculture. Des
CEP (Comptes d’exploitation prévisionnels) ont été produits pour
les principales cultures et grandes associations culturales du pays en
utilisant les fiches techniques recommandées, et surtout les comptes
de résultat de plusieurs centaines de paysans en milieu réel.